Après une nuit très courte dans le bus depuis Mendoza et le douloureux passage a la frontière a 3h du matin, ou on fait 20 minutes de queue pour « sortir d’Argentine », puis 20 minutes pour « entrer au Chili » – le douanier m’a collé le tampon par dessus celui du Mexique « et ma collection de tampons alors? »je l’aurais étranglé… – puis encore 20 minutes pour scanner tous nos bagages, jeter les fruits etc… le tout au milieu de la cordillère des Andes, avec une température extérieure de 5 degrés, emmitouflée dans mon sac de couchage… pffiou ! Après tout ca, je suis enfin arrivée a Santiago de Chile, jeudi dernier, vers 6h du matin.
Comme il faisait encore nuit et que j’étais encore en mode ultra parano depuis mon incident-au-pot-de-peinture de Buenos Aires, j’ai marché en me retournant toutes les 30 secondes. J’ai même eu l’impression qu’un type me suivait, alors je n’ai pas arrêté de faire des demi tours, de m’arrêter, puis j’ai fini par demander la route a quelqu’un qui marchait dans la même direction que moi. Je lui ai demandé « vous pouvez m’accompagner? j’ai l’impression qu’on me suit ». Visiblement les chiliens ne comprennent pas l’espagnol de Nath-Nath, au passage piéton suivant il m’a dit « que le vaya bien », une expression chilienne qui veut dire « porte toi bien, a + » et il m’a lâchée.
Les chiliens ont la réputation d’avoir un espagnol incompréhensible, et c’est vrai qu’ils parlent super vite. C’est un peu du « blabla bla blabalo, balolololobatuopo catchai ?Loaloalalmono dadotelo popototo dada catchai ? Tutloero catchai? » – en gros c’est du « $%%(*lkhkjb*&&%$# tu piges ? »- euh « no! ».
Heureusement, j’ai réussi a arriver a l’auberge sans pot de peinture ni agression, en serrant bien fort mon sifflet-boussole-thermometre-loupe Quechua, pour siffler l’état d’urgence au cas ou. Quoique, je suis sure que je peux crier encore plus fort.
Le premier jour, j’ai retrouve Bojan, un ami de mon copain Audouin (qui avait étudié au Chili). Il m’a confirme que le Chili est un pays assez sur, surement le plus sur d’Amérique latine et qu’a part me balader toute seule la nuit dans le quartier, il n’y avait rien a craindre. Ouf !
Mon auberge grouillait de brésiliens. Ils sont sympas, mais qu’est-ce qu’ils parlent fort ! J’avais déjà eu cette sensation au Brésil, quand je m’étais retrouvée au milieu de Carlos et ses copains, mais la c’est confirmé. Les brésiliens en groupe ne parlent pas – ils hurlent. Pire encore, la musique de l’auberge – entrecoupée de pubs et de grésillements car c’était la radio- était elle aussi super forte. On est en Chine ou quoi ? Qu’est-ce qu’ils ont tous a vouloir faire du bruit ? Bref, ambiance pas très relax, mais lit super confortable !
Vendredi, des brésiliens m’ont proposé de me joindre a eux pour faire un petit tour. On est allés a la feria (=marche d’artisanat) de Santa Lucia, ou on peut trouver des bijoux en Lapis Lazuli (pierre bleue avec des paillettes d’or qu’on ne trouve qu’au Chili et en Afghanistan, bizarre non ?), des flutes de pan, des pulls en poils de lamas.. c’est vrai qu’on est au pied des Andes !
On peut même voir la cordillère depuis le centre ville de Santiago, grâce aux vues panoramiques du Cerro Santa Lucia.
Même chose au Cerro San Cristobal, sur lequel on peut monter grâce a un petit train antique avec des wagons en bois, que les tremblements de terre n’ont pas encore complètement detruit. En fin de journée, il y a une vue superbe sur les lumières de la ville, et on aperçoit le plus haut immeuble d’Amérique du Sud, qui va bientôt se faire rattraper par une autre tour en construction dans le même quartier – celui des affaires bien entendu.
Vendredi, c’était aussi bien sur le jour du grand terremoto japonais. L’alerte au Tsunami a été prise très au sérieux par les autorités chiliennes, et les évènements ont ravivés d’horribles souvenirs de l’année passée. L’ile de Pâques, qui était particulièrement concernée par l’alerte au Tsunami a évacué tous les habitants sur l’aéroport qui se trouve en hauteur. Et la je me suis dis tiens tiens tiens, l’Ile de Pâques…On ne peut y aller que depuis Tahiti ou Santiago (5h d’avion), et certains mois, du Pérou. J’ai regardé les billets, et la saison basse commençait le 14 mars, perfecto ! Pour la modique somme de 340 euros, je me suis offert un aller-retour pour le bout du monde(oui je sais, encore un…) a partir du 23 mars! Me allegro !! Comme on dit au Chili pour dire que c’est trop cool : Que vacan !
Vendredi soir je suis allée a une soirée de Couch Surfing, ca faisait longtemps que je ne m’étais remise dans ce petit monde. On m’a dit que je ne pouvais pas amener trop de monde car c’était petit. Tu parles ! La terrasse énorme sur le toit d’un immeuble, avec piscine et DJ ! On m’a dit aussi de venir a 20h. Je trouvais ca super tôt, mais je suis quand même venue a 21h30. Et bien sur il n’y avait personne. On ne peut jamais jauger la valeur de la ponctualité d’une nouvelle culture, sans se faire prendre une fois ou deux !
Samedi, j’ai rencontré un autre couch surfeur, Cristian. Avant qu’il ne me fasse une super visite guidée du centre ville, on s’est rejoints dans un centre culturel pour voir une exposition de photos du photographe hollandais Koen Wessing sur le coup d’état de Pinochet de 1973. Une excellente introduction a l’histoire du pays. Moi qui n’y connaissait rien, j’ai trouvé ca fascinant!
Cristian et son amie, Paulina, m’ont raconté l’histoire de leurs parents et grands parents a ce moment la. Le père de Paulina a été mis en prison car il était de gauche, et sa mère a passé des mois a le chercher en voyageant dans tout le Chili avec sa famille.
Le soir, j’ai diné chez un autre couch surfeur, Jorge, dont le père avait été ramassé dans la rue par des militaires. Sans rien lui demander, il l’ont fait monter a l’arrière d’un camion, par dessus une pile de corps – morts – et l’ont mis « en prison » pendant 4 jours, dans le stade national de Santiago, car les prisons étaient déjà pleines a craquer.
La mère et la grand mère de Pancho, encore un autre couch surfeur qui m’a hébergée par la suite, avaient une petite épicerie. Les gens étaient tellement en manque de nourriture qu’ils les ont terrorisées, en essayant a plusieurs reprises de casser la vitrine pour vandaliser la boutique.
Pendant des mois, les rivières grouillaient de corps flottants des opposants a la dictature de Pinochet. Au cimetière général de Santiago – un endroit horrible ou les tombes sont empilées en plein air et ressemblent a des HLMs – on peut voir le mur des « desaparecidos », la liste des quelques milliers de gens qui ont été assassinés pendant la dictature dont on a pu retrouver le corps. C’est impressionnant. Parmi eux, le cousin d’une petite mamie que j’ai rencontré dans le cimetière. Elle est venue vers moi pour me dire que ce n’était pas très « seguro » a cette heure la, et comme il ne fallait pas que je reste seule, elle est restée avec moi pour me protéger, du haut de ses 1,50m. Que cariña ! En plein milieu du mur, il est écrit le nom de l’ancien président Salvador Allende, qui s’est suicidé a la Moneda (leur Élysée) le jour du coup d’état, après avoir déclaré a la radio « ils ne m’auront pas vivant !». Il est perçu comme un héros national pour son militantisme, mais je trouve que son dernier geste était plutôt celui d’un lâche.
Enfin, c’est un débat politique qui appartient désormais au passé, puisque le pays est redevenu une démocratie en 1989. D’abord avec un gouvernement de gauche, jusqu’à l’année derniere ou Sebastian Pinera, qui est, d’apres ce qu’on m’a dit, « un idiota de derecha » – qui fait trop d’UV en tout cas – a ete elu.